Compassion et bienveillance sont des mots à la mode. On les entend un peu partout, on les utilise à toutes les sauces. Mais sais-tu que derrière ces mots se cache un concept réellement puissant? Un concept qui a fait ses preuves scientifiquement et qui peut te faire beaucoup de bien. 😇
C’est Kristin Neff qui, la première, a popularisé le concept de Self-Compassion (1). Son histoire touchante est racontée dans le roman L’Enfant cheval (2). Lorsque leur fils reçoit un diagnostic d’autisme à l’âge de 2 ans, Kristin et son conjoint sont dévastés. Dans l’espoir de trouver une façon de communiquer avec le petit, ils partent en Mongolie voir les chevaux que leur enfant adore et rencontrer des chamans qui auront peut-être des solutions à offrir à la famille souffrante.
Pour Neff, la compassion, c’est le fait d’accepter et de discerner clairement la souffrance, pour qu’émerge l’envie de l’alléger. Pour plusieurs personnes, elle est plus facile à offrir aux autres qu’à soi-même. Pourquoi cela? Parce que la société dans laquelle nous grandissons valorise la performance, punit les erreurs et voit les émotions comme une faiblesse. La compassion qu’on s’offre à soi fait également peur, à tort : peur de se laisser aller, peur de ressentir cette souffrance enfouie depuis si longtemps, peur de s’effondrer.
La compassion envers soi ne constitue pas de la complaisance ni de la culpabilisation. La complaisance est une attitude de laisser-aller, de négligence, d’aveuglement. La culpabilisation, elle, est un discours intolérant et assassin. Prenons deux exemples assez typiques pour illustrer la différence.
Julie arrive chez elle après une journée stressante au bureau. Après l’avoir saluée, son conjoint lui demande ce qu’elle a prévu pour le souper. Julie réplique sèchement qu’elle n’est pas la cuisinière de service, qu’il pourrait lui aussi s’occuper du repas pour une fois.
Annie rentre également chez elle après une journée stressante au bureau. Après s’être dévêtue, elle se précipite dans la cuisine à la recherche de quelque chose qui lui ferait du bien. Elle avale en vitesse la moitié du sac de chips sur lequel elle met la main et n’a plus faim pour le souper.
Comment réagis-tu à ces deux scénarios? Dans lequel te reconnais-tu le plus? Serais-tu capable de tenir plutôt un discours compatissant envers toi-même?
Neff a décrit trois dimensions à la compassion envers soi : la bienveillance envers soi, la nature imparfaite de l’humain ainsi que la pleine conscience. La bienveillance envers soi est facile à comprendre, mais plus difficile à appliquer. Il s’agit de se parler comme on parlerait à une amie ou à un ami. C’est l’idée de reconnaître honnêtement le comportement, tout en prenant en considération le contexte dans lequel il est survenu. La deuxième dimension vise à reconnaître qu’un humain est imparfait et que tous les humains souffrent à l’occasion. De ce fait, nous partageons cette souffrance avec tous les autres humains. Enfin, la pleine conscience est cette capacité de ressentir pleinement une situation avec tous les sens dont notre corps dispose, sans juger ni analyser ce qui est ressenti.
Reprenons nos deux amies, Julie et Annie, et ajoutons un discours de compassion envers elles-mêmes.
Tu vois la différence dans le discours de chacune? As-tu déjà essayé de te parler de cette façon? À l’inverse, as-tu déjà reçu de la compassion de la part d’une autre personne? Te souviens-tu à quel point ça fait du bien? Moi, j’ai des exemples très clairs de moments où les paroles compatissantes d’un ami m’ont fait du bien. C’est puissant, la compassion, et mobilisant!
Tu as encore des doutes? Observe ton discours et le comportement qui suit. Fort possible que le discours culpabilisant t’écrase et que celui complaisant te maintienne dans le comportement dont tu veux te débarrasser. Le discours compatissant, lui, te permet de valider tes émotions, de reconnaître honnêtement ton comportement et te donne l’impulsion pour le changer au besoin.
Et s’il te faut encore des preuves scientifiques, sache qu’une équipe de recherche vient de démontrer que la compassion envers soi diminue les rages alimentaires et la perte de contrôle (le « binge eating ») (3). Une autre équipe a conclu que la compassion envers soi avait des effets protecteurs sur l’image corporelle des femmes ménopausées (4). Enfin, la compassion envers soi préserverait aussi de la dépression chez les adultes souffrant d’épilepsie (5) ainsi que chez les parents de jeunes enfants (6).
Ne tarde donc pas. Essaie dès aujourd’hui d’adopter un discours compatissant, même s’il te semble forcé au début. Plus tu le pratiqueras, plus il deviendra naturel. Lorsque nos clients et clientes commencent à s’envelopper d’autocompassion, on voit leurs débordements alimentaires diminuer significativement! Un vrai petit miracle 🤩
Judith Petitpas, travailleuse sociale
1. Kristin Neff, 2013, S’aimer, Comment se réconcilier avec soi-même, Éditions Belfond, Paris.
2. Rupert Isaacson, 2012, L'enfant cheval: Quête d'un père pour guérir son fils autiste, Éditions J’ai lu.
3. Bicaker, E., Lane, S. P., Sadikaj, G., & Racine, S. E. (2022). The roles of negative emotion intensity, negative emotion differentiation, and self-compassion in loss of control eating. International Journal of Eating Disorders, 1–11.
4. Holly Young & Yasuhiro Kotera (2022) Menopause and body image: the protective effect of self-compassion and mediating role of mental distress, British Journal of Guidance & Counselling, 50:2, 321-338.
5. Baker, D. A., Caswell, H. L., & Eccles, F. J. R. (2019). Self-compassion and depression, anxiety, and resilience in adults with epilepsy. Epilepsy & Behavior, 90, 154–161.
6. Psychogiou, L., Legge, K., Parry, E., Mann, J., Nath, S., Ford, T., & Kuyken, W. (2016). Self-compassion and parenting in mothers and fathers with depression. Mindfulness, 7(4), 896–908.
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